Moore président ! ou pas...

Dim 23 mai 2004

Étant absent de chez moi au moment de la cérémonie de remise des prix du festival de Canne, j'ai su par texto (merci lolo) que Michael Moore avait remporté la palme d'or.

J'en suis très étonné. Tout le monde voyait Wong Kar-waï, y compris moi, non seulement à cause du "buzz" qui entourait son montage en catastrophe, mais parce que Tarentino était président du jury. Et qu'il adore le cinéma asiatique.

C'était certainement sans compter sur sa malice naturelle et son profond goût pour le contre-pied.

Il est évident que la palme d'or est politique. Nous sommes l'année de l'élection présidentielle américaine, en plein dans une sale guerre en Irak, et Moore livre dans son film toutes la propagande les informations possibles et imaginables pour que Bush ne soit pas réélu.

Il n'y a pas de hasard, Tarentino n'est pas un con, il livre ici un message fort à l'équipe Bush sortante.

Pour avoir lu le dernier ouvrage de Moore "Mike contre-attaque" (en Anglais, "Stupid White Men", comme quoi, il n'y a pas que dans les traductions des titres des films que des efforts sont à faire, mais ce n'est pas le propos), j'avoue que le film me fait un peu penser à une adaptation ciné.

La première partie traite des affolantes tricheries de l'équipe Bush (Senior et Junior) pour invalider les votes des citoyens de la Floride, des bourrages d'urnes en masse dans le corps des armées en opération à l'étranger, etc.

La liste des infractions est incroyable, et on se demande encore comment le président Bush a pu siéger quatre ans à la maison blanche sur un faisceaux d'irrégularités aussi impressionnant.

Puis, il décrit le "programme" Bush (puisqu'il faut appeler ça un programme). En quelques mots : moins d'éducation, moins de culture, moins de prévention des maladies sexuellement transmissible, plus de pollution, plus de consommation, plus d'armement.

Apparemment, le film s'éloigne ensuite du livre. Il se concentre sur les événements du 11 septembre 2001, et sur les moyens mis en oeuvre pour commencer une guerre préparée avant les attentats.

Moore n'est pas très apprécié aux USA. J'ai l'impression qu'on le voit comme un agitateur un peu zélé, et pas très fûté, genre Mocky, et qu'on le laisse s'exprimer avec un doux paternalisme, sans trop lui donner l'occasion de réellement faire passer son message. L'acronyme qui revient le plus souvent dans les choses que je lis sur lui, c'est FUD, c'est à dire "Fucked Up Dinsinformation". Ca peut aussi vouloir dire "Fear, Uncertainety, Doubt", qui est une tactique classique des propagandistes. Semer la peur, le doute, pour troubler les esprits, leur faire admettre un peu ce qu'ils veulent entendre, et faire passer des mensonges de plus en plus gros. C'est par ce moyen qu'on ligue un pays contre un autre, un peuple contre un autre.

La rhétorique Bushienne en est remplie, de cette FUD.

Les liens entre l'Irak et Al Quaïda. Assez peu probables. Même si Saddam Hussein est un putain de taré de première, son régime laïc emmerdait passablement les fondamentalistes religieux et leur guerre sainte. C'est d'ailleurs pour ça que l'Irak a fait la guerre à l'Iran pendant des années.

Les Armes de Detruction Massive. Probable que des recherches ont été menées dans ce sens. Comme dans tous les pays. Y compris les Etats-Unis, qui disposent, eux, de l'arsenal le plus important d'armes bactériologiques, chimiques, nucléaires. Mais bien entendu, les USA sont une démocratie, alors, personne n'a peur de ces armes, pas vrai ? N'empêche, les anciens de la première guerre du Golfe aimeraient bien savoir de quoi ils sont en train de mourir. Hum.

C'est d'ailleurs assez intéressant de constater le point commun entre "Bowling for Columbine", et "Farenheit 9/11" : la Peur. Tout aux USA est basé sur la peur.

Les violences urbaines montrées et sur-montrées dans les médias créent un sentiment général de peur qui pousse les américains à acheter des armes... et hélas, à s'en servir. L'équipe Bush a joué sur le sentiment de peur des attentats terroristes pour monter et justifier une guerre contre un pays qui était déjà une dictature du temps de Georges Bush Sr. Et si on pousse un peu plus loin, on retrouve aussi les autres peurs dans "The Big One" : la peur du chômage qui pousse les travailleurs à plier l'échine, pour des salaires misérables, enchaînant parfois deux boulots pour joindre les deux bouts, tout ça pour arriver à se faire délocaliser en Indonésie, là où les enfants ne peuvent pas faire grève.

Reste que la Guerre, même si elle a renversé un dictateur, n'a pas apporté la démocratie et la paix en Irak. Loin de là. Tous les jours, des soldats de l'US Army tombent sous les balles. Et parfois, ce sont des civils qui sont sacrifiés, comme jadis on égorgeait un mouton. Doit-on rappeler que leur fameux Dieu a retenu le bras d'Abraham, refusant qu'il offre son fils Isaac, et qu'il lui a donné l'ordre de ne plus faire de sacrifice humain ? (tu te rends compte ? c'est moi, athée qui vais leur donner des leçons de théologie).

Tous ces morts pour quoi ? simplement parce que quelques Faucons assoifés de pétrole n'ont vu que leurs petits bouts de nez sous forme de dollars bien verts.